Eloquence en transe

Image parRyan McGuire de Pixabay

Les mains tremblantes, la nuque nouée, le geste saccadé, la paupière qui tressaute et la bouche asséchée par le manque de salive… C’est, à peu de choses près, l’état qui était le mien à l’occasion de chacune de mes prises de paroles en public. Enfin, plutôt à l’occasion de mes différentes participations à ce que l’on nomme un concours d’éloquence.


En général, les autres interventions orales ne provoquent chez moi que des rougissements, ce qui reste classique et facile à surmonter, avec l’habitude. Malgré toutes ces manifestations d’appréhension, l’expérience éloquence fait partie de ces épreuves qui peuvent vous changer et qui m’a beaucoup fait grandir.Ma participation au concours Lysias s’est réalisée en deux temps et je regrette un peu de ne pas avoir poursuivi dans ce sens ces dernières années, notamment en tant que membre d’un jury.
Pour ceux qui ne connaissent pas, le concours Lysias est un concours universitaire organisé à l’échelle nationale et qui s’est répandu rapidement dans la plupart des universités.

De Bordeaux à Lille en passant par Evry et en jetant bien entendu un œil du côté de Paris, l’association est partout ! Divisé en deux branches, le concours met en valeur l’art de la plaidoirie civile destiné aux premières années et celui de la plaidoirie pénale pour les deuxièmes années. Tandis que, dès la dernière année de licence et jusqu’à l’IEJ, les participants s’affrontent dans des matchs d’éloquence, en défendant la positive ou la négative d’un sujet souvent alambiqué et absurde.

Quelques exemples de sujets :

Les idées sont-elles à l’épreuve des balles ?

Donald Trump est-il un vilain petit canard ?

Faut-il partir avant la fin ?

Le temps passe-t-il vite ?


L’ingrédient essentiel, qu’il vous faut toujours avoir en cuisine, si vous souhaitez délaisser la passivité de Top Chef pour l’action de Lysias, se résume en un terme : le plaisir.
Se mesurer aux autres, démontrer ses talents de plume, déclamer théâtralement son texte, maîtriser les règles de droit sur le bout des doigts sont autant d’atouts qui peuvent vous emmener loin… mais l’expérience ne sera vraiment complète que si vous y mettez l’envie et que vous carburez à l’adrénaline.


Les enjeux peuvent être importants, voire très importants ! Certaines universités offrent grâce à leurs partenariats des tonnes de codes, de manuels onéreux (que vous pourrez revendre à vos collègues si c’est du droit des suretés ou pire du droit fiscal), et même pour les plus chanceux, des stages au sein de cabinets d’avocats prestigieux. Sortir des rangs, de l’anonymat universitaire peut être également une motivation louable et efficace.
Dans tous les cas, ce qui reste à la fin de ce genre d’expérience, ce que j’en ai gardé personnellement, est un sentiment puissant de m’être dépassée, d’être sortie d’une zone de confort extrêmement balisée. Loin d’être la Jean-Yves le Borgne 2.0 (je suis encore loin d’être avocate et un homme accessoirement), même si ma voix grave a su séduire certains jurés attentifs ; ma participation à cet exercice m’a permis de donner du sens à mon parcours et une certaine épaisseur à ma personnalité.


L’idéal aurait été de poursuivre l’expérience jusqu’au bout, en passant comme Alice, de l’autre côté du miroir. Tant pis, je me rattrape ici grâce aux mots.
Qui que vous soyez, vous avez forcément quelque chose à dire, l’envie de défendre un point de vue, n’importe lequel pourvu qu’il vous tienne à cœur, ou vous pouvez tout simplement avoir la capacité de jouer avec les mots. Ce type de concours n’est et ne doit pas être destiné uniquement aux étudiants en droit.

Une pluralité d’institutions et de concours d’éloquence


La communication est un enjeu de taille, quasi générationnel et elle doit être un sujet pour tous. L’institution Lysias est loin d’être la seule à offrir une plateforme d’expression à l’université. Il existe par exemple, et ce n’est pas exhaustif, les concours Démosthène, Ogmios, la conférence Olivaint qui s’inscrivent dans le même objectif.


Enfin, si vous êtes passés à côté de l’excellent documentaire « A voix haute » réalisé par Stéphane de Freitas créateur d’Indigo et Ladj Ly et produit par Anna et Harry Tordjman, producteurs notamment des séries Bref, Bloqués ou plus récemment Serge le mytho ; tenez-vous prêt à aller le voir au ciné parce qu’il sort en salles au printemps. Si vous n’êtes pas très grand écran, le documentaire peut se trouver sur internet. Il synthétise, à mon sens, absolument tous les bienfaits du concours d’éloquence lorsqu’ils sont le théâtre d’une passion aussi forte que l’expression dans toute sa palette, déclinée avec le meilleur pinceau humain : la voix.

Le concours Eloquentia, ouvert d’abord à tous les étudiants de l’université Paris 8 Saint-Denis puis à ceux de Paris 10 Nanterre, s’inscrit dans le champ des initiatives qui transmettent un véritable espoir. Celui d’une société qui pourrait reposer sur l’échange, le partage et la curiosité…

Une utopie ? 

Les études universitaires sont longues, pas toujours passionnantes selon certains, et parfois même difficiles à gérer puisqu’elles peuvent provoquer une forme de solitude paradoxale quand on y pense et lorsqu’on évolue parmi un nombre impressionnant d’étudiants. Mais au fond, il ne tient qu’à vous de rendre cette période plus agréable et épanouissante en participant à ce genre d’aventure.

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